Esther Ferrer

«Mon travail est un minimalisme très particulier basé sur la rigueur de l’absurde» Esther Ferrer a débuté sa pratique de l’art action à la fin des années soixante avec le groupe ZAJ, considéré comme le cousin de Fluxus. ZAJ a été actif pendant une trentaine d’années. Esther Ferrer a, en parallèle, présenté ses propres performances et installations à travers le monde et a représenté l’Espagne à la Biennale de Venise. Elle vit et travaille actuellement à Paris.

ZAJ d’après Esther Ferrer :

Le groupe ZAJ, dont le nom ne veut en fait rien dire, a été créé à Madrid en 1964 par Raymond Barcè, Walter Marchetti et Juan Hidalgo. Presque tous les membres étaient des compositeurs, Hidalgo et Marchetti, qui étaient idéologiquement à l’origine du groupe, avaient travaillé auparavant avec John Cage en Italie. Dans le monde de l’action, John Cage était déjà une figure, il était en quelque sorte le grand-père de tout le monde. Malgré le Franquisme pur et dur qui régnait en Espagne, ZAJ a décidé de poursuivre leur pratique parce qu’à l’époque, du point de vue avant-gardiste, il n’y avait pratiquement rien. Au début, ils composaient des textes qu’ils envoyaient par la poste, un peu comme du mail art ou des « oeuvres » portées sur l’écriture. « À l’origine, ZAJ comptait six ou sept personnes, mais les 25 dernières années il n’y avait que Walter Marchetti, Juan Hidalgo et moi-même. Faire ZAJ dans l’Espagne franquiste n’était pas évident, notre trio avait l’air un peu ridicule; on pouvait facilement se moquer de nous; ce n’était pas une bonne image pour quelqu’un qui, par exemple, est prof dans un collège. Il y a des gens qui font des choses parce qu’ils sont très jeunes, parce qu’ils ont un élan de révolte ou pour sortir des sentiers battus, mais cela dure très peu et ils retournent dans ce qu’ils ont toujours fait. Walter, Juan et moi-même étions radicaux dans notre travail et nous ne faisions pas de concession. Les autres membres du groupe étaient beaucoup plus structurés au point de vue social, ils avaient des obligations familiales ou professionnelles ce qui leur enlevait la liberté que notre trio avait. Peut-être aussi ont-ils évolué différemment du point de vue artistique et leur participation au groupe fut comme une aventure passagère. »

Un travail radical

Esther Ferrer se qualifie de radicale, dans un sens artistique, mais aussi dans sa façon de vivre, de comprendre l’art, pas seulement la pratique de l’art mais ce qu’est l’art. Par exemple, avec les deux autres têtes de ZAJ, Walter Marchetti et Juan Hidalgo, ils étaient très radicaux sur la position de l’artiste dans la société. Les délires artistiques, messianiques, prophétiques, tout ça leur étaient étrange, ils étaient des artistes très simples : « Plus tu es simple, plus tu dis ce que tu penses le plus simplement possible, mais c’est plus dur pour les autres de l’accepter ». C’est donc dans l’art de la performance qu’Esther Ferrer a choisi d’exprimer cette simplicité.

La performance, une question de désir…

Pour Esther Ferrer, la performance est une question de désir : « L’essentiel, c’est que si vous voulez faire de la performance, faites le. Point à la ligne. C’est merveilleux, c’est le plus libre et le plus démocratique de tous les arts, tu n’as besoin d’aucune discipline, tu n’as besoin de rien, tu n’as besoin que de toi-même, tout sort de toi, tout le monde a ça. ». Elle ne s’attache pas du tout aux termes et aux classifications des genres, pour elle, la seule chose qui compte c’est que les gens aient des idées différentes. D’ailleurs, lorsqu’elle a commencé à faire de la performance, personne ne l’appelait performance : « C’était merveilleux, ça n’avait même pas de nom, c’était quelque chose que l’on faisait. Personnellement je dis que je fais des actions. (…) L’unique problème, à mon avis, c’est ce retour en arrière que fait l’art très souvent pour pouvoir continuer à se transformer, et maintenant c’est un retour à des positions dont on voulait se débarrasser lorsque l’art action à commencer. Ce n’est pas seulement dans la théâtralisation de la performance, c’est aussi dans le concept, dans l’idée que la performance doit véhiculer. Il y a beaucoup de lourdeur. Pourtant, la performance, c’est comme un oiseau qui vole, qui s’arrête picoter ici et là et qui reprend son vol, comme un nomade, comme un gitan qui n’a même pas de charrette. Et c’est ça qui me chante dans la performance — c’est un art sans domicile fixe qui peut s’installer partout. »

Un art très personnel, minimaliste qui va à l’essentiel

Pour Esther Ferrer l’idée de la performance aujourd’hui est exactement la même qu’à ses débuts. Par rapport à ce que fait la nouvelle génération de la performance, elle se pose des questions sur le travail de ces nouveaux artistes, mais cela n’interfère pas dans ses propres performances. Lorsqu’elle se remet en question, ce n’est jamais par rapport au travail des autres, mais bien par rapport à son propre travail : «est-ce que je vais continuer à faire de l’art, où je vais, est-ce que la société à besoin de ça, est-ce que moi j’ai besoin de ça , est-ce qu’on est en train de faire l’art qu’on doit vraiment faire?».

Esther Ferrer cherche toujours à aller à l’essentiel, à ôter tout ce qu’il y a de superflu : « Par exemple, dans Le cadre de l’art, je pose un cadre et un objet sur ma tête, je pourrais les orner mais cela ne m’intéresse pas du tout, je m’en tiens au sujet, si je puis dire. Un jour je pourrai faire des choses super baroques mais il faudra que j’ai une idée qui y corresponde et là je serai la plus baroque des baroques. » Esther Ferrer aime les faits clairs et directs, «un point à partir duquel les gens qui sont présents peuvent construire un monde ou le refuser : « Je ne donne pas dans le spectaculaire, je n’aime pas les spectacles pour les spectacles». Elle refuse tout ce qui est ornements, éléments de décor ou encore les geste théâtraux : «c’est la vie qui passe, si je prends le verre, je le prends, si je dois monter un escalier, je le monte, si je dois regarder les gens, j’essaie de les regarder de la façon la plus naturelle possible, comme si j’étais dans un café et que je regardais les gens. Mon travail est un minimalisme basé sur la rigueur de l’absurde. Dans ses performances, Esther Ferrer s’attache surtout à la façon de faire plutôt qu’à ce qu’elle fait : « Pour moi la performance est beaucoup plus importante dans la façon que tu la fais, comment tu te situes, comment tu établiras la relation avec l’autre. Ce que tu fais est accessoire, ça peut-être plus joli, moins joli, plus violent, moins violent, rempli de contenu — J’essaie de faire le vide pour que tout le monde puisse y mettre son propre contenu. Normalement je ne fais pas attention à l’aspect esthétique d’un objet. Par exemple j’aime bien travailler avec l’idée du quotidien. Parfois je peux trouver un objet que j’aime pour sa forme parce qu’elle est plus jolie, parce qu’il m’intéresse, ou parce qu’il est plus curieux ou plus ridicule qu’un autre, mais j’essaie toujours de rester dans le quotidien. C’est à partir du quotidien que l’on va vers un autre lieu. »

Par exemple, dans Las Cosas, elle faisait un parcours qui représentait des formes géométriques, l’important n’était pas que les gens le perçoivent ou non : « ce parcours émerge parce qu’à ce moment-là l’idée des infinis qui se croisent m’amuse. C’est de la forme pure. Ce qui compte c’est comment je parcours ces deux infinis, où je suis quand je les parcours. »

Lien : www.estherferrer.net

Le texte simplifié n'est pas disponible.

«Mon travail est un minimalisme très particulier basé sur la rigueur de l’absurde» Esther Ferrer a débuté sa pratique de l’art action à la fin des années soixante avec le groupe ZAJ, considéré comme le cousin de Fluxus. ZAJ a été actif pendant une trentaine d’années. Esther Ferrer a, en parallèle, présenté ses propres performances et installations à travers le monde et a représenté l’Espagne à la Biennale de Venise. Elle vit et travaille actuellement à Paris.

ZAJ d’après Esther Ferrer :

Le groupe ZAJ, dont le nom ne veut en fait rien dire, a été créé à Madrid en 1964 par Raymond Barcè, Walter Marchetti et Juan Hidalgo. Presque tous les membres étaient des compositeurs, Hidalgo et Marchetti, qui étaient idéologiquement à l’origine du groupe, avaient travaillé auparavant avec John Cage en Italie. Dans le monde de l’action, John Cage était déjà une figure, il était en quelque sorte le grand-père de tout le monde. Malgré le Franquisme pur et dur qui régnait en Espagne, ZAJ a décidé de poursuivre leur pratique parce qu’à l’époque, du point de vue avant-gardiste, il n’y avait pratiquement rien. Au début, ils composaient des textes qu’ils envoyaient par la poste, un peu comme du mail art ou des « oeuvres » portées sur l’écriture. « À l’origine, ZAJ comptait six ou sept personnes, mais les 25 dernières années il n’y avait que Walter Marchetti, Juan Hidalgo et moi-même. Faire ZAJ dans l’Espagne franquiste n’était pas évident, notre trio avait l’air un peu ridicule; on pouvait facilement se moquer de nous; ce n’était pas une bonne image pour quelqu’un qui, par exemple, est prof dans un collège. Il y a des gens qui font des choses parce qu’ils sont très jeunes, parce qu’ils ont un élan de révolte ou pour sortir des sentiers battus, mais cela dure très peu et ils retournent dans ce qu’ils ont toujours fait. Walter, Juan et moi-même étions radicaux dans notre travail et nous ne faisions pas de concession. Les autres membres du groupe étaient beaucoup plus structurés au point de vue social, ils avaient des obligations familiales ou professionnelles ce qui leur enlevait la liberté que notre trio avait. Peut-être aussi ont-ils évolué différemment du point de vue artistique et leur participation au groupe fut comme une aventure passagère. »

Un travail radical

Esther Ferrer se qualifie de radicale, dans un sens artistique, mais aussi dans sa façon de vivre, de comprendre l’art, pas seulement la pratique de l’art mais ce qu’est l’art. Par exemple, avec les deux autres têtes de ZAJ, Walter Marchetti et Juan Hidalgo, ils étaient très radicaux sur la position de l’artiste dans la société. Les délires artistiques, messianiques, prophétiques, tout ça leur étaient étrange, ils étaient des artistes très simples : « Plus tu es simple, plus tu dis ce que tu penses le plus simplement possible, mais c’est plus dur pour les autres de l’accepter ». C’est donc dans l’art de la performance qu’Esther Ferrer a choisi d’exprimer cette simplicité.

La performance, une question de désir…

Pour Esther Ferrer, la performance est une question de désir : « L’essentiel, c’est que si vous voulez faire de la performance, faites le. Point à la ligne. C’est merveilleux, c’est le plus libre et le plus démocratique de tous les arts, tu n’as besoin d’aucune discipline, tu n’as besoin de rien, tu n’as besoin que de toi-même, tout sort de toi, tout le monde a ça. ». Elle ne s’attache pas du tout aux termes et aux classifications des genres, pour elle, la seule chose qui compte c’est que les gens aient des idées différentes. D’ailleurs, lorsqu’elle a commencé à faire de la performance, personne ne l’appelait performance : « C’était merveilleux, ça n’avait même pas de nom, c’était quelque chose que l’on faisait. Personnellement je dis que je fais des actions. (…) L’unique problème, à mon avis, c’est ce retour en arrière que fait l’art très souvent pour pouvoir continuer à se transformer, et maintenant c’est un retour à des positions dont on voulait se débarrasser lorsque l’art action à commencer. Ce n’est pas seulement dans la théâtralisation de la performance, c’est aussi dans le concept, dans l’idée que la performance doit véhiculer. Il y a beaucoup de lourdeur. Pourtant, la performance, c’est comme un oiseau qui vole, qui s’arrête picoter ici et là et qui reprend son vol, comme un nomade, comme un gitan qui n’a même pas de charrette. Et c’est ça qui me chante dans la performance — c’est un art sans domicile fixe qui peut s’installer partout. »

Un art très personnel, minimaliste qui va à l’essentiel

Pour Esther Ferrer l’idée de la performance aujourd’hui est exactement la même qu’à ses débuts. Par rapport à ce que fait la nouvelle génération de la performance, elle se pose des questions sur le travail de ces nouveaux artistes, mais cela n’interfère pas dans ses propres performances. Lorsqu’elle se remet en question, ce n’est jamais par rapport au travail des autres, mais bien par rapport à son propre travail : «est-ce que je vais continuer à faire de l’art, où je vais, est-ce que la société à besoin de ça, est-ce que moi j’ai besoin de ça , est-ce qu’on est en train de faire l’art qu’on doit vraiment faire?».

Esther Ferrer cherche toujours à aller à l’essentiel, à ôter tout ce qu’il y a de superflu : « Par exemple, dans Le cadre de l’art, je pose un cadre et un objet sur ma tête, je pourrais les orner mais cela ne m’intéresse pas du tout, je m’en tiens au sujet, si je puis dire. Un jour je pourrai faire des choses super baroques mais il faudra que j’ai une idée qui y corresponde et là je serai la plus baroque des baroques. » Esther Ferrer aime les faits clairs et directs, «un point à partir duquel les gens qui sont présents peuvent construire un monde ou le refuser : « Je ne donne pas dans le spectaculaire, je n’aime pas les spectacles pour les spectacles». Elle refuse tout ce qui est ornements, éléments de décor ou encore les geste théâtraux : «c’est la vie qui passe, si je prends le verre, je le prends, si je dois monter un escalier, je le monte, si je dois regarder les gens, j’essaie de les regarder de la façon la plus naturelle possible, comme si j’étais dans un café et que je regardais les gens. Mon travail est un minimalisme basé sur la rigueur de l’absurde. Dans ses performances, Esther Ferrer s’attache surtout à la façon de faire plutôt qu’à ce qu’elle fait : « Pour moi la performance est beaucoup plus importante dans la façon que tu la fais, comment tu te situes, comment tu établiras la relation avec l’autre. Ce que tu fais est accessoire, ça peut-être plus joli, moins joli, plus violent, moins violent, rempli de contenu — J’essaie de faire le vide pour que tout le monde puisse y mettre son propre contenu. Normalement je ne fais pas attention à l’aspect esthétique d’un objet. Par exemple j’aime bien travailler avec l’idée du quotidien. Parfois je peux trouver un objet que j’aime pour sa forme parce qu’elle est plus jolie, parce qu’il m’intéresse, ou parce qu’il est plus curieux ou plus ridicule qu’un autre, mais j’essaie toujours de rester dans le quotidien. C’est à partir du quotidien que l’on va vers un autre lieu. »

Par exemple, dans Las Cosas, elle faisait un parcours qui représentait des formes géométriques, l’important n’était pas que les gens le perçoivent ou non : « ce parcours émerge parce qu’à ce moment-là l’idée des infinis qui se croisent m’amuse. C’est de la forme pure. Ce qui compte c’est comment je parcours ces deux infinis, où je suis quand je les parcours. »

Lien : www.estherferrer.net


Esther Ferrer (F/E) // Tom Johnson (USA) // Bernard Heidsieck (F)

Le 10 décembre

Passé